Anne, Thérèse, Aziel, Dull Knife, Hannah, Bonne-Maman, Jean, Reynald, Patrice,
À mes rencontres avec l’Invisible.
Il y a déjà plusieurs mois, années (...), je me suis lancée dans l'aventure un peu folle de l'écriture avec le secret espoir, si l'Univers me suit, d'en faire un livre. Ainsi est né Touchée par l'Invisible dont je me suis inspirée pour la création de ce blog. Je n'ai pas été très inventive dans le genre littéraire en effet c'est une autobiographie. Cependant en terme de Médiumnité ce que je maîtrise le mieux reste encore mes Expériences donc ma Vie.
Il y a quelques semaines, mois (...), je finis par ne plus avoir la notion du temps, j'ai partagé, l'estomac serré, quelques lignes avec des proches. Aujourd'hui, les partager avec vous me tient à coeur. Si mon ventre est encore plus noué, je me dois d'être honnête, j'en ai besoin. J'en ai besoin parce que je suis lente, trop lente sur ce projet. Aussi je me dis que vous faire lire le début de ce dernier me donnera la force de le finaliser dans un délai réellement raisonnable.
Une précision pour celles et ceux qui, légitimement, s'interrogeraient. La narration débute par la fin.
Je vous laisse donc à ces quelques lignes relatant mon histoire en vous remerciant sincèrement de me lire !
TOUCHÉE PAR L'INVISIBLE
« Il m’a été demandé de Pardonner. Un Pardon vrai, sans distinction, qui lorsque vous avez eu le coeur parfois meurtri n’est pas chose aisée. Pardonner c’est Aimer. Aimer de cet Amour indicible que j’ai la chance de recevoir, Aimer comme ils vous Aiment alors que vous les pensez disparus. Pardonner c’est grandir, s’élever. C’est pourquoi aujourd’hui je pardonne et surtout je vous demande pardon.
Il est temps pour moi de quitter ce carcan qui m’oppresse. Je le sens, je le sais, cette voie que vous m’avez pourtant offerte avec, j’ose l’espérer, bienveillance n’est plus la mienne. Il me restera néanmoins en mémoire de merveilleux souvenirs, des moments de solidarité comme ils se font rares, des rencontres et des parcours de Vie qui m’auront profondément touchés. Un tableau idyllique terni par un aspect plus sombre que je ne suis pas en droit de juger. Celui-là même qui a été la raison de ma présence dans ce lieu chargé d’émotions.
Merci Monsieur le Maire pour votre confiance, merci pour cette incroyable leçon de Vie. Tout simplement Merci. Des remerciements sincères qui n’atténuent pas cette conviction, je me dois de quitter ce chemin qui n’est plus le mien. Aujourd’hui, je démissionne.
A vous mes collègues j’aimerais toutefois laisser un message. Un message de Paix et d’Apaisement. Tout ici est animé par un désir de pouvoir, si petit soit-il. Vous êtes vous posés la question de ce que le pouvoir apporte réellement? Il est un fait immuable, soit vous êtes heureux et vous ne le serez pas plus une fois le pouvoir obtenu. A l’inverse, sans aller jusqu’à qualifier votre état de malheureux, votre Vie n’est pas totalement comblée et le pouvoir ne sera jamais ce petit morceau manquant qui fera votre bonheur. Interrogez-vous bien sur ceci, quelle est ma réelle motivation à obtenir le pouvoir ? Prenez alors conscience que, quelle que soit la réponse apportée, elle ne peut être la bonne. En effet, le pouvoir c’est commander, Aider c’est Guider. Et n’est-ce pas ici l’Aide à nos concitoyens qui nous incombent ? Enfin dans cette lutte perpétuelle entre chacun pour obtenir un graal qui n’en est pas un vous oubliez ce qu’est le service et l’Amour de l’Autre. Pensez-vous réellement que nous puissions remplir correctement une Mission alors même que nous en visons déjà une autre ? Pour avoir, par ego, été moi aussi dans cette situation je peux vous en apporter la réponse : elle est négative. Soutenez-vous, Aimez-vous, travaillez pour ceux à qui vous devez votre présence ici-même, soyez Heureux. Alors vous n’aurez plus à pousser des coudes pour diriger. Vous Guiderez chacun au niveau qui doit être le votre dans l’harmonie et la bonté. Soyez bienveillants c’est ainsi que l’Abondance se présentera à vous.
Mais quel est donc cet Amour ? Cet Invisible ? Cet Ange ? Cet Indien ? Ces Guides ? Ces chers disparus qui ont bouleversés le cours de ma Vie ? Voici mon histoire.
Nous sommes le vendredi 2 mai 1980, il est 17h55 à Sélestat, petite ville du Bas-Rhin, une inconnue m’offre la Vie. Outre ce présent infini, cette-dernière me laissera deux prénoms Sandrine et Claire, autrement dit un prénom et un nom. Si le second reste un mystère, il est aisé de déduire que le premier est un hasard du calendrier. Saint Boris du 2 mai ne convenant pas vraiment, Sainte Sandrine du 2 avril a fait l’affaire. D’elle je garderai aussi un poussin coloré en tissus devenu très vintage, pour une jeune femme soucieuse des tendances cela me convient parfaitement et une lettre : X.
Mes trois premiers mois seront rythmés par de nombreux biberons et changements de couches, une vilaine bronchite, les détections d’un strabisme, heureusement disparu depuis, et d’une légère dysplasie de la hanche. Une petite vie rondement menée dans une pouponnière de Strasbourg, pouponnière dont le mythe voudrait que l’on m’ait, régulièrement, lavée sous un jet d’eau froide d’où j’imagine mon addiction actuelle aux douches bien chaudes. Un début de Vie qui ne dépeint pas forcément un idéal, je le conçois, mais l’essentiel n’est-il pas simplement de débuter ?
Bercée dans ce petit confort tout relatif, je suis loin d’avoir conscience qu’il existe des Vies derrière les murs en briques rouges qui m’entourent et qu’au moins deux d’entre elles vont définitivement changer le cours de la mienne.
Jean-François a trente-trois ans, il est militaire. Anne a le même âge que son époux, elle a cessé de travailler afin de le suivre dans ses différentes mutations. Tous deux habitent à une quarantaine de kilomètres de mon petit palais vermillon. Enfin, comble du chic, eux, ne possèdent pas UNE lettre mais SIX ! Six précieuses lettres qui forment ce qui deviendra officiellement mon nom au cours de l’année 1981.
Il est 9h15 la montre de Jean-François vient de s’arrêter en ce vendredi 8 août 1980. Ils viennent de recevoir l’appel désiré depuis tant d’années. Nous savons tous qu’une communication téléphonique peut bouleverser une Vie. Ce jour-là ce n’est pas une mais trois qui ont définitivement été transformées , les leurs et la mienne.
Une semaine s’est écoulée. Vendredi 15 août, 15h30, je dis au revoir à l’édifice qui m’a protégé pendant les trois premiers mois et demi de ma Vie. Anne, fébrile, me tient dans ses bras à l’arrière droit de la 1100. Jean-François, très absorbé par nombre de questionnements, ne voit pas la voiture qui s’engage à sa droite. Anne me serre tout contre son coeur dans l’attente d’un choc inévitable qui n’arrivera jamais. Un brusque coup de volant, que Jean-François ne se souvient pas avoir donné, va nous sauver tous les trois. La vision d’une DS arrêtée, le conducteur, les mains sur la tête, exprimant un mélange de stupeur et d’incrédulité restera gravée de manière indélébile dans sa mémoire. Ils s’arrêteront sur un parking quelques centaines de mètres plus loin. Souffleront. Se regarderont en silence, les yeux embués par les larmes. L’Invisible dans sa Bonté Infinie vient de nous envelopper de son Amour, de nous offrir une nouvelle chance de Vivre.
Mais qui ? Quelle énergie est assez puissante pour avoir eu la force d’intercéder en ce 15 août ? J’ai mis trente six ans a découvrir la réponse bouleversante qui se trouvait juste là, sous mes yeux, subtilement indiquée dans la date. Merci Marie !
Bien qu’ayant ce que Jean-François se plaisait à qualifier de « mémoire d’éléphant », lorsque j’étais plus jeune, je n’ai aucun souvenir de mon passage, d’un peu plus d’un an et demi, dans notre demeure d’Haguenau, celle qui a été ma première maison.
Le 26 juin 1982, nous quittons le nid Alsacien qui nous abritait et laissons derrière nous les jolies demeures à colombages en faveur des délicieux mets du Sud-Ouest. En effet papa est muté au 1er Régiment de Hussards Parachutistes de Tarbes. J’ai deux ans et c’est à ce moment précis que ma « mémoire d’éléphant » entre en jeu.
J’ai un souvenir quasi parfait de cette grande maison grise, un brin austère, dans laquelle nous vivions. La grande étendue d’herbe du jardin parait immense à mes yeux d’enfant. Nous disposons de tout le premier étage, le rez-de-chaussé étant occupé par le cabinet de Kinésithérapie du propriétaire. J’y occupe une jolie chambre aux murs roses. Jolie chambre qui disposait d’un lit ayant pour particularité de me tétaniser. Une crainte dont j’ai fini par avoir l’explication vingt ans plus tard lorsqu’est né le désir de posséder ce magnifique lit à baldaquin en cuivre pour mon fils alors âgé de quelques mois. Un lit dans lequel je ne vais jamais pouvoir laisser dormir cette petite personne qui compte tellement pour moi. Un petit bijou très ancien dont j’apprendrai qu’il a appartenu à la Famille du Duc de Lévis-Mirepois, dont une des enfants, la dernière à avoir disposé du lit, est morte tragiquement d'une méningite à un âge précoce. Il faut d’ailleurs noter que toute petite j’étais très attirée par le gisant de cette jeune enfant qui repose dans le même cimetière que ma famille paternelle.
A l’époque je suis occasionnellement gardée par une jeune femme répondant au doux nom de Rose. Sa maman, Cécile, s’occupe du ménage chez mes parents. Je les apprécie énormément toutes deux ce qui ne m’empêche pas de ressentir, du haut de ma jeune Vie, un certain malaise au contact de Cécile. J’ai notamment l’impression d’avoir la vision « grisée » en son domicile. Des années plus tard Cécile s’est pendue sur son lieu de travail. Maman essaiera de me faire croire qu’elle était morte dans son sommeil, un subterfuge qui n’a pas duré bien longtemps. En effet, mes parents possédaient, à l’époque, une résidence secondaire à Biarritz et maman, à l’occasion de vacances scolaires, avait décidé de se rendre à Tarbes pour saluer d’anciennes connaissances. C’est ainsi que nous nous retrouvons toutes deux assises dans le salon de notre ancienne boulangère, dont la boutique se trouvait face au lieu de décès de Cécile, et que quasi instantanément j’ai su. Cécile n’était pas morte dans son lit j’en avais la conviction, sa mort avait un rapport avec la pharmacie. Face à mes questionnements insistants sur le chemin du retour maman va m’avouer avoir travesti la vérité pensant me protéger. Malgré ma peine c’est le soulagement qui l’emporte, des mots ont été mis sur ce que je savais et ressentais depuis toute jeune : une profonde tristesse et une mort tragique.
Août 1985, l’insouciance des grandes vacances, les moments de partage en Famille, le soleil mais surtout le retour des cartons ! Les déménagements font partie intégrante de ma Vie. Au revoir la rue de Lorraine bonjour Séméac, commune d’un peu moins de cinq milles âmes située à trois kilomètres de Tarbes. Nous emménageons dans une maison coquette au sein d’un lotissement tout aussi charmant. Cette maison possède deux particularités qui vont faire chavirer mon Coeur d’Enfant : un saule pleureur dont une des branches supporte la balançoire de mes rêves et un étage entier aménagé sous les combles en guise de chambre. A moi la belle Vie, j’ai cinq ans et une impression de Liberté totale dans ce que que je m’approprie comme étant mon petit domaine. En effet, Maman a très bien fait les choses et a agencé la pièce tel un petit appartement. Je dispose de mon coin nuit quand à mes poupées elles sont extrêmement gâtées puisque la pièce leur offre une chambre, une cuisine, un espace salle de bain et une école. Cette chambre beaucoup d’enfants en auraient rêvé, moi la première, oui mais voilà tout n’est pas si simple. La lune de miel avec cette-dernière va être de courte durée. A la tombée de la nuit, je me rends très vite compte que je ne suis pas la seule à occuper mon fabuleux petit domaine, des ombres s’y invitent et ça n’est pas vraiment pour me plaire. Plus les semaines défilent plus mon angoisse grandit. Le temps que je mets à m’endormir croît à vue d’oeil. Chaque soir, inlassablement, je place les draps sur ma tête, seul un petit espace au niveau de mon nez et ma bouche restent dégagés afin que je puisse respirer. Je refuse de voir ce qui m’entoure. C’est ainsi qu’avec la volonté certaine de vouloir faire fuir les trouble-fêtes, je vais, tous les soirs, commencer à prier, et que, les prières avançant il me vint l’idée saugrenue que la Vierge pourrait m’apparaître. Obnubilée par une possible visite je vais, à la fin de chacun de mes petits monologues, la supplier de ne pas se manifester.
A l’époque, une explication à ma soudaine phobie est toute trouvée. En effet, nous vivons à seulement trente minutes de Lourdes et nous nous y rendons fréquemment puisque maman s’occupe d’y baigner les malades. Je suis donc bercée par l’histoire de Sainte-Bernadette, frêle petite bergère, à qui Marie va se présenter, ce, même si papa suspecte, à l’époque, que ses visions soient la résultante de l’ingestion de « patates pourries » ce qui avait le don de faire bondir notre piscinière préférée. Outre le doute relatif aux pommes de terre avariées qui, moi, me fait beaucoup rire je retiens surtout que la Sainte Vierge possède un Amour inconditionnel pour les petits enfants innocents et j’ose imaginer, du haut de mon mètre vingt, que je corresponds parfaitement à la catégorie affectionnée. J’en suis donc convaincue, elle va se révéler à moi et sa vision va provoquer un choc qui va m’être fatal. A ce qui ressemble en tous points à une lubie de petite fille va pourtant se greffer un élément qui aurait pu, oserais-je dire dû, poser question. C’est vrai, je ne suis pas sans ignorer que la maman de Jésus s’est dévoilée à Sainte Bernadette, pour autant, je n’ai aucune connaissance Biblique, je vous rappelle que seules cinq années se sont écoulées depuis ma naissance. Pourtant, je vais faire un rêve qui va continuer de chambouler mon petit équilibre déjà fragilisé. L’impression tenace de me réveiller avec cette sensation de l’avoir vécu va largement y contribuer et laisser une empreinte suffisamment profonde pour que je m’en rappelle des dizaines d’années plus tard. Plusieurs caissettes en bois se trouvent disposées autour d’un imposant feu de camp, je suis assise sur l’une d’entres elle, peu sûre de moi, tenue par le sentiment d’un danger imminent. Je vais alors remarquer un serpent rampant dans ma direction à grande vitesse, mon coeur bat la chamade. Au moment précis où l’approche du reptile devint fatidique, une silhouette, dont je ne devinais jusqu’à présent pas l’identité, va se lever et se diriger vers moi. Il s’agit de Marie, vêtue de ce que je qualifierais d’une toge blanche, qui calmement mais fermement va, de sa sandalette, écraser l’animal. Si plus tard ce rêve va se révéler être à haute portée symbolique, il marquera, à l’hiver 1986, l’envie irrépressible de quitter cette chambre immense. Doudous, poupées, je suis prête à tout abandonner. Fuir le premier étage devient ma seule quête, mon apaisement ne sera total qu’en investissant l’une des chambres du rez-de-chaussée sur laquelle j’ai déjà jetée mon dévolu. Un voeu exhaussé à l’aube du printemps. La chambre tant convoitée devient mienne et je retrouve un certain apaisement sans toutefois que ce ressenti d’être épiée une fois l’obscurité venue ne me quitte. Le rituel de la couette m’accompagnera désormais jusqu’à ce que je vive en couple.
Un beau matin d’août, l’imposant camion au pur sang noir fait son retour devant notre jolie demeure. Après deux années passées à Séméac, l’Île de beauté ourlée de ses eaux bleutées et sa douce odeur de maquis nous tend les bras. Nous prenons nos quartiers, vous noterez la référence militaire, dans un appartement confortable d’Ajaccio niché sur les hauteurs de l’idyllique route des Sanguinaires, celle qui se revêt chaque soir d’un subtil mélange de rouge et d’orangé. Je n’ai pas souvenir que notre nouveau logement m’ait créé une quelconque anxiété, bien au contraire, j’oserais même affirmer que je baisse ma garde sur les hypothétiques phénomènes nocturnes qui pourraient se présenter à moi. La crainte que Marie surgisse s’éloigne et mon coeur se fait plus léger. Je suis une enfant de sept ans avec des préoccupations inhérentes à son âge dont une des principales est de devenir championne d’élastique dans la cour d’école. Je m’y attèle d’ailleurs tous les soirs en sautant frénétiquement au-dessus de l’objet sacré, enroulé autour de deux chaises, en m’égosillant au son du fameux « c’est la tactique tique tique tique tique de l’élastique tique tique tique tique». Cependant le coeur a beau être badin et la Vie allègre, je n’en suis pas moins reliée à l’Invisible.
Passionné depuis toujours par la culture ibérique papa prenait en ce temps-là des cours d’espagnol tous les jeudis soirs. Il formait avec ses camarades de classe une petite équipe soudée au sein de laquelle la bonne humeur était de mise. Une belle unité célébrée, avant les fêtes de fin d’années, lors d’une petite réception à laquelle maman et moi avons été conviées. Je suis absolument incapable de vous décrire les personnes présentes ce soir-là, la manière dont j’étais vêtue ou encore ce que j’ai mangé et bu. Le souvenir de la salle reste lui aussi très flou voir quasi inexistant. L’unique raison de cette réminiscence c’est elle. Cette douce jeune femme un peu effacée aux cheveux châtains. Elle est différente et provoque en moi une étrange fascination. Il y a là quelque chose de Lumineux quasi angélique. Elle est si céleste que j’en viendrais presque à me demander si elle existe réellement. Je penserai à cette-dernière plusieurs fois après notre entrevue jusqu’à cette froide fin de journée où papa est rentré très peiné. Elle était morte dans la journée, renversée. C’est bien là qu’était sa place, le Ciel était son Royaume. Je dirai, sous le préau, que j’ai perdue une amie. Si j’ai été envahie de sentiments contradictoires à l’annonce de son décès je ne ressens plus, à l’écriture de ce récit, qu’une grande plénitude.
Quelques semaines plus tard une camarade va perdre son papa, le départ est brutal tant par le côté subit que par les circonstances. Aucune vision, aucune Lumière c’est un voile opaque qui s’impose à moi. Pour la première fois j’ai la sensation de ressentir la mort au sens premier du terme. Le côté sombre de celle-ci, la souffrance psychique et corporelle qu’elle est capable d’engendrer chez l’Homme. Ce mal-être qui vous prend aux tripes. La fin, une fin. Mon frêle corps de petite fille va, dès lors, déclencher des malaises chaque samedi matin avant d’être conduite à l’école. Nausées, vertiges, des perceptions corporelles douloureuses qui me tétanisent et me font redouter la mort physique. Vomir devient pour moi une épreuve, chaque mouvement d’estomac m’enfonce dans une angoisse irraisonnée.
La mort physique. La fraîcheur de l’hiver s’est retirée pour laisser place aux beaux jours. Chaque dimanche papa et maman rejoignent un groupe d’amis sur une plage privée afin de profiter de la douceur de Vie que nous offre si généreusement l’Île de Beauté. L’un des couples qu’ils fréquentent sont parents d’une petite fille qui a sensiblement le même âge que moi. Ce dimanche après-midi, comme n’importe quelles enfants de notre âge, nous sommes préoccupées par moultes constructions sablonneuses, la recherche active d’yeux de Sainte Lucie, ce délicat petit coquillage à la jolie forme incrustée d’escargot, et plus que tout l’irrépressible envie de nous baigner. Nul n’est besoin de beaucoup insister pour obtenir l’autorisation de nos parents respectifs à l’unique condition de nous positionner dans leur champ de vision, en effet la mer est huileuse et à priori sans danger. Batifolant, nous nous approchons sans nous en rendre compte d’un dénivelé, qui, conjugué à une faible vague va nous faire perdre pieds. Dans un instinct de survie ma camarade de jeu, saisie par la peur et ne sachant que très peu nager, va s’agripper à mon crâne et ainsi maintenir ma tête sous l’eau ne me laissant aucune chance de respirer. La mort. J’ai cessé de me débattre, je ne suis plus sous le liquide glacé, l’Endroit est chaud et Lumineux, j’ai la sensation d’évoluer dans du coton, la douceur y est incroyable et je m’apprête à y cheminer sans crainte. Sur le rivage se joue une toute autre scène. Papa a cessé de prendre part à la discussion à laquelle il participait, ses yeux se sont tournés vers l’étendue azur en direction de cette enfant catastrophée perchée sur sa fille inerte. Son Guide, à qui j’exprime toute ma gratitude, a interféré. Le Coeur nous fait réaliser des actes incroyables, il ne lui faudra que quelques secondes pour nous atteindre et, à force de bras, nous faire regagner la plage. Dans l’urgence de la situation j’ai été extirpée de ma fâcheuse position par les cheveux, je n’ai rien senti, je reviens à moi, je suis saine et sauve. La mort. Dans un Amour inconditionnel l’Invisible m’a une deuxième fois épargnée. Pour cela je leur suis, à nouveau, Infiniment reconnaissante.
C’est l’été, la saison de tous les changements. Papa est muté à Paris. La rentrée 1988 ne sera cependant pas Parienne mais Villejuifoise. Villejuif étant une commune moyenne de la petite couronne située dans le département du Val-de-Marne. J’affectionne tout particulièrement notre nouveau logement, il s’agit d’un triplex dont le charme atypique me séduit immédiatement. Mon nid est cosy et azur, il se situe au premier étage sur un petit palier. J’y ai un ressenti de protection, c’est un petit cocon au sein de l’appartement. Mais voilà, si le cocoon conserve sa mission en participant à mon apaisement il en est autrement pour une autre partie du logis. Quelques mois à peine après notre installation, je commence à me sentir passablement mal à la l’aise dans la salle à manger. Il y fait sombre, l’atmosphère y est lourde, pesante. L’endroit est certes peu lumineux en raison de sa disposition, en effet cet étage est le plus bas et donne sur une ruelle bordée d’un grand immeuble qui cache toute autre vue possible pour autant si c’est le vis-à-vis qui affecte mes parents il en est tout autre pour moi. J’y ai l’estomac tellement noué que dès lors qu’il faut s’y attabler j’en viens à ne plus pouvoir ingurgiter aucune forme de nourriture. C’est ainsi qu’un fâcheux rituel va se mettre en place, je mâche, mâche, mâche indéfiniment, recrache le tout dans ma serviette de table et ne sachant comment me défaire de ce mélange bien encombrant le colle sous l’imposant plan en bois brun. Il va de soit que l’honteuse découverte de ces amas séchés, à l’occasion d’un grand ménage, m’a valu de passer un moment fort désagréable durant lequel j’ai eu le plus grand mal à justifier cette action qui peut, je l’entends, d’un regard extérieur passer pour le moins inquiétante. Si la remontrance a dépassé la hauteur de l’action la sensation de mal-être, elle, n’a pas diminuée j’ai donc très vite récidivée cet fois-ci dans le meuble à chaussures. Ce-dernier se trouvant dans les toilettes, je prétexte régulièrement une envie pressante et me lève serviette pleine à la main. Mes parents s’inquiétants s’en doute de l’état de ma vessie n’ont pas tardé à découvrir le bancal subterfuge et j’essuyais à nouveau les foudres de la résultante de cette action jugée saugrenue. Si aujourd’hui il est clair que la cuvette eut été meilleure cachette, il s’avère qu’à l’époque cela ne m’a pas traversé l’esprit ne serait-ce qu’une seule seconde. J’avais 8 ans. L’histoire aurait pu s’arrêter là cependant elle déclenche en moi une vague de questionnements plus existentiels les uns que les autres. Pourquoi ? Qui suis-je ? D’où viens-je ? Pourquoi je m’appelle ainsi ? J’ai une propension à m’imaginer me projeter dans l’Univers qui me pétrifie. Le ciel est noir, sont présents tous ces petits points brillants que j’associe à des étoiles et moi je suis là minuscule au milieu de l’immensité et le moins que l’on puisse dire c’est que c’est sacrément anxiogène. Si d’aspect extérieur je suis une petite fille joyeuse, j’ai en effet toujours eu dans mon enfance une propension à camoufler mes ressentis et en bonne santé, il n’en reste pas moins qu’au plus profond de mon être je commence à être sérieusement torturée. Une difficulté n’arrivant jamais seule, je développe avec brio une empathie certaine. Une empathie dont je ne tire pas forcément le meilleur parti, on n’est pas sérieux quand on a moins de dix ans."